Retour

Renaissance DE NEL

Beaucoup de voiliers issus des années 60 arrivent en fin de vie souvent du fait du manque d’entretien ou de l’âge voire de la négligence des propriétaires dont les activités ont changé. Ils seront alors abandonnés dans un jardin, un champ vite gagné par les herbes folles ou les ronces. Vient le moment de s’en séparer ou de les mettre à la casse.

Pourquoi ne pas leur donner une seconde vie dans la mesure ou leur matériau de base, le plastique, résiste au temps et que les travaux à effectuer relève plus de la patience que d’une technicité affûtée.

La renaissance d’une épave peut offrir à pas cher un bateau en état de marche à un amateur pour peu qu’il ne soit pas trop exigeant sur la perfection professionnelle du résultat.

C’est dans cette optique que, président de l’association des propriétaires de DC20, je me suis attelé à cette tâche, sûr que c’était le meilleur moyen de faire grossir cette association.

Le DC20 (architecte SILVANT) est un beau voilier de 6m70 à la ligne élégante, équipé simplement, ce qui limite l’investissement pour cette rénovation. Trois unités abandonnées et bien dégradées par le temps et la nature ont déjà repris la mer par mes soins et un quatrième est en chantier.


Il est certain qu’à première vue la tâche peut faire peur mais c’est avec persévérance que petit à petit on se prend au jeu, que l’on acquiert des techniques et que le résultat se dessine.

Il faut bien sûr répondre présent à l’appel du propriétaire proposant gratuitement son bateau que ce soit en Suisse, dans la région parisienne ou en Bretagne. Avec une remorque adaptée, cassante avec chemin central à rouleaux et un patin pour protéger le béquet arrière on peut sortir le bateau du champ où il est abandonné, si l’on a pris la précaution d’installer une cadène à l’avant pour le tracter.

Ensuite il faut disposer d’un abri suffisamment clair et disposant de l’électricité. Un portique de chantier facilement réalisable est utile.

Portique dans l’atelier

Vient l’heure du bilan. Il existe des problèmes fréquents sur ce bateau : le plus courant est le délaminage du pont lié à la structure initiale en sandwich avec interface en balsa. Celui-ci pourrit à force d’être soumis à la pénétration de l’eau par les orifices percés pour les cadènes ou autres. Vient ensuite la dégradation des deux placards latéraux de la descente dont le bois a pourri du fait également de l’eau infiltrée par le capot.

Pour le reste tout dépend des bateaux : absence de plancher, de capot de cabine ou d’écoutille, étagères détruites, trous dans la coque, taquets, plats bord ou listons pourris, problème de safran rouillé de même que le support de mât, hublots cassés, inexistence ou dégradation des espars, réfection des peintures intérieures et extérieures…

Mon dernier patient présentait toutes ces maladies !

Il est donc nécessaire de travailler le plastique, le bois et parfois la soudure métal.

Pour ce qui est du plastique le plus simple consiste à boucher les trous par plusieurs couches de tissus de verre baignés dans la résine (stratification). Mais lorsqu’il faut refaire par exemple un capot de cabine en l’absence de moule il faut se fabriquer des arceaux reprenant la forme convexe dans les deux sens, y apposer une feuille structurante de polyuréthane en nid d’abeille, déposer plusieurs couches de tissu imprégné, retourner après durcissement et stratifier l’autre côté.


Confection du capot de cabine

De même pour le pont délaminé dont il faut retirer la peau supérieure, retirer le balsa,et reconstruire. Terminer par le gel-coat spatulable puis en finition. Je me suis fourni en conseils et matériaux par l’entreprise Sicomin.



Couche de structure en nid d’abeille de polyuréthane 6mm.


Reprise de couverture avec l’ancienne peau ou nouvelle stratification résine.

Pour le bois un équipement en outils à main de base en ajoutant perceuse, scie, rabot électrique de préférence à piles, permet de s’en sortir.


Reprise du plateau


Meuble complet

Il est rare d’avoir de la soudure à effectuer et la réfection des pièces rouillées, tordues ou absentes doivent être confiées à un artisan en particulier si le problème réside dans la fabrication de la cage de safran. Ce travail alourdit sérieusement la note…

En restant sur le métal, il faut veiller à ce que la dérive pivote bien sur son axe car très souvent la rouille l’a fait gonfler rendant la manœuvre impossible. Soulever le bateau devient nécessaire pour décoller cette rouille avec une lame métallique ou une disqueuse. Il faut alors disposer d’un portique de levage.La dérive est parfois irrécupérable et il faut la refaire. Mieux vaudra la refaire en inox par découpe laser malgré le prix.


Un problème spécifique au DC20 vient souvent de la présence d’eau de mer dans les fonds en lien avec le puits de dérive. La première chose à faire est de s’assurer que l’arrivée d’eau ne se fait pas par remontée autour des deux gougeons de quille qui traversent le saumon. Ils sont souvent rouillés et leur extrémité peut être au contact de l’eau du fait de l’usure du plastique qui les recouvrent. S’ils sont visibles à l’œil nu il faut les recouvrir par de la résine pour les étanchéifier. Il est possible aussi de les chasser par le haut pour les changer.

Sinon il peut s’agir d’une usure des bords latéraux du puits par pivotement répété d’une dérive rendue agressive par la rouille. Dans ce cas mieux vaut faire intervenir un professionnel.

Une autre fuite peut se faire à la jonction coque-tableau arrière au niveau des vide-vite.

Vient l’heure de la peinture. Il faut bien sur décaper l’ensemble de la coque, à tout le moins les parties immergées où se sont accumulées les couches d’anti-fouling. On peut bien sûr attaquer ce travail à la raclette mais mieux vaut utiliser deux moyens : soit un disque rotatif métallique à petit picots disponible dans les magasins de bricolage. Il ponce suffisamment sans s’encrasser ni user la matière plastique. L’autre solution est de faire appel à une entreprise de décapage par microbillage qui effectue le travail à domicile et rapidement avec un résultat parfait.

Le choix de la technique de peinture dépend du degré d’exigence et des moyens financiers. L’excellence sera obtenue par projection, au mieux par un professionnel d’une peinture bi composant après une première couche époxy pour la dureté et l’étanchéité. Mais les laques modernes exécutées au rouleau laqueur donnent un bon résultat.

L’osmose est un problème spécifique qui sera traité par sablage et revêtement epoxy. Problème plus spécifiquement suisse car les bateaux naviguent en eaux douce.

L’accastillage sera bien sûr à revoir car le plus souvent il aura disparu ou sera rendu inutilisable…

Pour la garde-robe, sauf occasions correctes, il faudra la renouveler.

Au terme de ce bilan on peut se poser la question de savoir si ça vaut le coup? Les frais engagés seront certes conséquents mais restent dans des limites raisonnables pour l’acquisition d’une unité si simple, si plaisante, si vivante à la barre, performante en régate et pouvant accoster la plage ou raser les cailloux. L’essentiel du travail consiste à lui donner beaucoup de temps ce qui peut être rédhibitoire si l’on passe par un chantier.

Beaucoup y trouveront le plaisir du travail bien fait…autant que possible, et tout cela pour moins de 10000 euros.

Philippe