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Eugène CORNU
(Article paru dans le Chasse
Marée N°173 d' Octobre 2004 signé Georges AUZEPY-BRENNEUR)
Le DC20 est directement issus
du Bélouga dessiné par Eugène Cornu. Cet
article vise à mieux vous faire connaître cet architecte
naval extraordinaire de bateaux bois ! (Malheureusement, il s'
est jugé trop vieux pour passer aux techniques des constructions
plastiques. C' est peut être la raison principale pour laquelle
Silvant constructeur de Bélougas a pu dessiner le DC20
dont les plans sont très proches de son illustre aîné).
Rares sont les architectes navals dont
le patronyme est devenu nom commun. Bons marcheurs, élégants
et robustes, les "Cornus" ont la cote. Georges Auzépy-
Brenneur, qui l'a bien connu, brosse le portrait de cet homme
étonnant, retrace sa carrière et analyse son style
en professionnel.
Eugène-marie Cornu est né à
Lorient le 26 septembre 1903. Son père , issu d'une famille
nantaise modeste, est mécanicien naval et maquettiste à
ses heures. Eugène passe son enfance à Nantes, où
il fréquente l'école primaire de Sainte-Anne, à
deux pas du quai de la Fosse. "Pendant toute son enfance
raconte jean-michel Barrault, il a vu défiler devant ses
fenêtres les bateaux qui montaient et descendaient la Loire,
qui tiraient leurs bords contre le vent d'Ouest. Dès son
plus jeune âge, il a su distinguer les bons des mauvais
bateaux, ceux qui remontaient au vent, ceux qui possédaient
les meilleures qualités marines".
C' est un de ses oncles, traceurs aux Chantiers
de St Nazaire, qui lui apprend le traçage des coques en
vraie grandeur. En octobre 1919 Eugène Cornu entre en qualité
d' apprenti dessinateur chez Nieuport, un pionnier de la construction
aéronautique établi sur l' île de la Jatte,
près de Paris. Les hydravions conçus dans cette
entreprise sont dotés de flotteurs à redans dont
les formes s' inspirent de celles des canots automobiles issues
du crayon d'Edouard de Niéport (dit Nieuport), dont les
racers, glisseurs et semi-glisseurs, ont disputé des championnats
à Monaco en 1920.
Atteint très jeune d'une poliomyélite
qui affecte ses membres inférieurs, Cornu décide
dans ces année-là de se faire amputer de la jambe
droite qui le gêne. Il passera le reste de son existence
appuyé sur une paire de béquilles - façonnées
par un charpentier marine - et sur son unique jambe, tellement
torse qu' il l' appellerait sa "mauvaise patte". Lorsque
le chantier Nieuport est vendu, Cornu répond à une
annonce parue dans le Yacht : le chantier Jouët recherche
un dessinateur. En guise de test, Paul Jouët lui demandera
de dessiner la ligne d' arbre d'une yacht à moteur de 16
m. Le jeune homme est engagé le 1er février 1923.
On lui confie le dessin de vedettes de service de 7 à 9
m pour la marine. Là, Cornu retrouve M. Chaptois, ancien
chef de chantier de chez Nieuport, dont il se considère
comme l' élève.
Autodidacte .. diplômé de l'école
primaire de Sainte Anne.
Eugène Cornu témoigne également
un profond respect à Paul Jouët. Il est certain que
ce polytechnicien et ingénieur du Génie maritime
a dû contribuer à compléter sa formation.
Paul Jouët analysait avec minutie les essais des canots automobiles
très rapides, spécialité des chantiers navals
de Sartrouville, et les traduisaient en courbes de vitesse/ puissance
qui seront précieuses pour déterminer les caractéristiques
des hélices. Autre influence, celle de Victor Brix, qui
était ingénieur avant d' être architecte naval
et à également oeuvré au chantier Jouët
au début des années trente. Cornu, qui n' avait
que son certificat d' étude et se disait volontiers "
diplômé de l'école primaire de Sainte Anne
à Nantes", complète ainsi ses connaissances
au contact de son entourage professionnel.
Parallèlement à son activité
au bureau d' étude du chantier Jouët, il commence
à dessiner chez lui différents voiliers. Passionnés
par les bateaux de course, il épluche les règlements
de séries de Jauges internationales. Le premier plan portant
sa signature - Lina, un 18 pieds de Jauge internationale - est
publié dans le Yacht du 8 décembre 1923. Un an plus
tard, l' hebdomadaire publie celui de Myriam, un 6 m JI, puis
en mai 1925, celui d'une 8 mJI, cette fois signé "
Eugène Cornu, architecte naval". Il n'a alors que
vingt deux ans et ne se considère donc déjà
plus comme un simple dessinateur.
En 1930, il obtient le 2è prix du concours
organisé par le Yacht pour un voilier de la série
internationale des 5m, le 1er prix allant à Victor le Brix.
Six ans plus tard, il cumule chez Jouët, les responsabilités
du bureau d' études et du chantier bois. En 1942, répondant
à un appel de la fédération française
de voile, il dessine deux monotypes légers, l' un de 6
m, l' autre de 4.80 m. Le plus grand est à l' évidence
la Licorne, dont le yacht écrira :" les qualités
exceptionnelles de ce bateau se sont affirméesà
la mer et ont émerveillé tous ceux qui ont tenu
la barre". La réalisation de ce dériveur est
confiée au chantier Blondel installé à Montesson-laborde,
commune voisine de Sartrouville.
En Mai 1943, le yacht publie les plans d'un joli
croiseur hauturier de 9.35m , le mois suivant, ceux de Louki III,
un cotre à corne à arrière norvégien
de 12.30 destiné à jacques Lebrun. C'est probablement
à cette époque que Cornuconçois également
le beau ketch à corne Arvor II à M. Ouvré.
Jusqu'en 1948, année où mauriceColin vient le seconder
dans le bureau d'études, Cornu dessine des dizaines de
bateaux sous la signature de Jouët. Il s'agit de plans de
vedttes de serviceou de plaisance, dont plusieurs coques rapides
commele fameux Barouf (1933). On relève également
dans cette production le célèbre Arielle de Marin-Marie
(1935), des canots de sauvetage (1929), le 8 m Tadorne dessiné
pour la famille Jouët, ou le cotre Alain Gerbault (1930).
Bien que ce dernier soit incontestablement de la main de Cornu,
celui-ci avait confié à Maurice Amiet que le navigateur
lui avait apporté un petit plan d'atkin, manisfestement
copié dans une revue et qu'il s'est contenté de
l'agrandir et le terminer.
C'est probablement le Bélouga qui, en 1973,
marque le vrai lancement de la carrière d'Eugène
Cornu. La parenté de la carène de ce dériveur
habitable avec celle de la Licorne permet de penser que ce sont
les performancences de celle-ci qui ont incité jacques
Lebrun à demander à Cornu ce projet. Quoiqu'il en
soit, ni l'un ni l'autre ne pouvaient imaginer alors le formidable
succès que va connaître le Bélouga, qui sera
construit pendant quarante ans à plus d'un millier d'exemplaires.
A l'issue de la guerre, Eugène Cornu est
un architecte reconnu. Avec Henri Dervin et André Mauric,
il est membre fondateur de la société des architectes
navals, créee à l'initiative de Robert Guerroult.
"C'est en 1947, confiait-il à la revue Nautisme, en
accord avec Paul Jouët, que je devins architcte naval-conseil
du chantier, avec liberté totale de dessiner pour mon propre
compte. Pourtant dès l'année précédente,
le chantier avait mis sur cale pour M. Bardou, Jalina, signée
de son nom. Ce bateau devait gagner Cowes-Dinard toutes classes
confondues et la nouvelle m'arriva le jour où j'étais
en train de dessiner Bambi, qui devait remporter deux fois la
classe III dans la même course. Cette victoire de Jalina
sera la première de'une longue série pour cet élégant
coursier qui, dix plus tard , en 1957, remportera la cours eAjaccio-Monaco
entre les mains de Jacques Legré. Avec Jalina, l'exceptionel
talent d'Eugène Cornu est consacré; désormais
nombre de ses créations collectionneront les victoires
en courses croisière, et ce, pendant une vingtaine d'années.
En 1952, Cornu conçoit pur Albert Casor le
premier 5.50 mJI construit au monde, Gilliat IV. Suivront plusieurs
autres unités de ce type - alibi, Damoiselle, Farandole,
Snowten, Gilliat V-, qui domineront leur classe. En 1954, il dessine
le 9m CR Men Cren, prmeier yacht de croisière construit
en France selon la nouvelle jauge métrique des "cruiser
- racers"(CR) conçue par l' IYRU. Ce voilier sera
ocnstruit par Pichavant, dont ce sera la première grande
réalisation. Cornu , qui apprécie la rigueur de
cette jauge, dessinera plus tard les 12m CR Striana et Halladi,
le premier construit en 1955 par Silvant pour
jacques Auclair et le second construit par Jouët en 1956
pour Franck Guillet. On lui doit aussi le 8 m CR Jabadao construit
par Jézéquel en 1958 pour M. Trebaol.
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